Séance de VENDREDI 23/02/2024 à Servel

undefinedLe 23 février 1898, le romancier français Émile Zola est condamné à un an de prison et au versement de 3 000 francs d’amende, la peine maximale (avec les frais, 7 555,25 francs), pour la publication en une du journal L’Aurore de Georges Clemenceau d’une célèbre lettre et tribune intitulée J’accuse…! dans laquelle il prenait la défense du capitaine Alfred Dreyfus. En accusant nommément les protagonistes de l’Affaire, Émile Zola s’expose volontairement à des poursuites judiciaires afin que la justice civile se saisisse des débats et que « l’enquête ait lieu au grand jour ». La réaction du gouvernement ne se fait pas attendre, avec l’assignation d’Émile Zola pour diffamation. Le ministre ne retient que trois passages de l’article, dix-huit lignes sur plusieurs centaines.

Le procès s’ouvre dans une ambiance de grande violence. Fernand Labori, l’avocat de Zola, fait citer deux cents témoins. Ce procès est le lieu d’une véritable bataille juridique, dans laquelle les droits de la défense sont sans cesse bafoués De nombreux observateurs prennent conscience de la collusion entre le monde politique et les militaires. À l’évidence, la Cour a reçu des instructions pour que la substance même de l’erreur judiciaire ne soit pas évoquée. La phrase du président Delegorgue : « La question ne sera pas posée », répétée des dizaines de fois, devient célèbre. Toutefois, l’habileté de Fernand Labori permet l’exposition de nombreuses irrégularités et incohérences, et force les militaires à en dire plus qu’ils ne l’auraient souhaité.

Une demande de pourvoi en cassation reçoit une réponse favorable. Labori conseille à Zola de quitter la France pour l’Angleterre avant la fin du procès, ce que fait l’écrivain. Les accusés sont de nouveau condamnés. On fait partir Zola immédiatement au soir du verdict, avant que celui-ci ne lui soit officiellement signifié et ne devienne exécutoire. À l’image de ceux d’Hugo, Voltaire ou Vallès, cet exil déclenche un important mouvement d’opinion. Le 18 juillet 1898, Zola, seul, prend le train de 21h pour Calais, sans aucun bagage. Il vit ensuite reclus à Londres, dans le secret et une solitude entrecoupée des visites de ses amis et de sa famille proche. Le suicide du lieutenant-colonel Henry, l’officier français qui a produit des faux documents visant à accuser le capitaine Dreyfus , en août 1898, lui redonne l’espoir d’achever rapidement cet exil. Espoir vain, du fait des lenteurs de la justice. La procédure connaît de nombreux épisodes et s’étend sur tout le premier semestre 1899. La décision, positive, est rendue le 3 juin et, le lendemain, l’écrivain rentre à Paris, au terme de onze mois d’exil, avec Fécondité, son dernier roman achevé le 28 mai précédent.

« J’accuse… ! » a totalement relancé l’affaire et lui a donné une dimension sociale et politique qu’elle n’avait pas jusqu’alors. Zola sort de ses démêlés judiciaires avec une stature de justicier et de défenseur des valeurs de tolérance, justice et vérité pour toute une frange de la population. Mais cet engagement coûte aussi très cher au romancier. Sur le plan financier, la justice fait saisir ses biens et les vend aux enchères. Et, alors que le dreyfusisme s’exposait d’abord sous un jour immatériel pour les nationalistes anti-dreyfusards, ceux-ci trouvent en Zola leur tête de Turc. Il concentre dès lors toutes les attaques, incarnant à lui seul le traître à la patrie et à l’armée. Dès 1898, l’écrivain est l’objet d’un torrent d’articles satiriques, caricatures, chansons et livrets le traînant dans la boue.

Jamais Zola n’a regretté son engagement, quel qu’en ait été le prix. Il a écrit dans ses notes : « Ma lettre ouverte [« J’accuse… ! »] est sortie comme un cri. Tout a été calculé par moi, je m’étais fait donner le texte de la loi, je savais ce que je risquais ». Les cendres de Zola seront transférées au Panthéon le 4 juin 1908. À la fin de la cérémonie, un journaliste anti-dreyfusard, Louis Grégori, ouvrira le feu avec un révolver sur Alfred Dreyfus, le blessant au bras.

126 ans plus tard, erreurs judiciaires et saisies se multipliaient à la séance de Parties Civiles.

Table 1, dite « Exil salutaire » : à la table de Lueurs il fallut une lampe de poche bien réglée pour distinguer le vainqueur à la table de marque. C’est Gilles qui a franchi la ligne en tête avec 97, Olive, 93, et Camille 91. Xel en était fort fort loin, comme en exil, mais elle prit sa revanche en s’adjugeant une large victoire à l’une des deux parties de Faraway qui suivirent, l’autre tombant dans l’escarcelle de l’insatiable Gilles.

Table 2, dite « Erreur judiciaire » : Jérôme, François, Dom, Thomas et François-René tentent de survivre à Evolution climate. 4 végétariens trouvent rapidement devant eux un carnivore vorace, incarné par François-René, suivi ensuite par François. Les morsures s’enchaînent, et les charognards en profitent, au-delà de la capacité de leur estomac. La question est posée de ce franchissement litigieux, et on change la règle en cours de route tant il nous paraît abusé de procéder ainsi, à juste raison comme une enquête minutieuse le démontrera après coup : quand un animal est rassasié, il ne prend plus de jetons nourriture par action « take food » (sauf s’il a Fat Tissue). Une règle dont n’a pas profité François-René, vainqueur avec 79, devant Dom, 71, François, 66, Jérôme, 65, et Thomas, 64. On sera donc enclin à lui accorder cette victoire.

Table 3, dite « Question posée » :  on est partis sans nouvelles de From the moon – on y distingua cependant Samuel et Olivier B en compagnie d’Élie. Qui en fut le vainqueur, la question est posée.

Table 4, dite « Biens saisis » : à QE, François aurait engrangé une très belle victoire avec le score mirifique de 63, si ses biens n’avaient été saisis faute d’avoir un peu plus dépensé que Dom (34886 contre 32291). Ce dernier est donc déclaré vainqueur de ce poker menteur, avec 51, devant Thomas, 28, Jérôme, 23, et François-René, 13 avec 0 dépense !

Table 5, dite « Retournement » : Xof fait une énorme remontée éclair à Amalfi et manque de peu de renverser la situation, mais reste coiffé par Mickaël, 199 à 196. Baptiste et Fred ont admiré.

Table 6, dite « Vaine plaidoirie » : cela faisait longtemps, un Codenames final met aux prises les Rouges (Dom, Jérôme, Élie, Gilles) aux Bleus (François, Xel, François-René, Thomas).

  • Bleus 1-0 : François-René trace sa route, imperturbable
  • Bleus 2-0 : les Rouges déclenchent l’assassin, Entrée, sur un Blocus risqué
  • Bleus 2-1 : les Rouges sauvent l’honneur mais ont failli se faire coiffer par les Bleus au terme d’une remontée fantastique avec 5 mots trouvés de suite. Vaine plaidoirie, à laquelle n’a manqué que le Lit de Cléopâtre, auquel il fut préféré Course, vestige d’un indice précédent.

Séance de VENDREDI 19/01/2024 à Servel

Disparu près de soixante ans, le manuscrit du roman de Céline Voyage au bout de la nuit réapparait le 19 janvier 2001 par l’entremise d’un libraire parisien. La Bibliothèque nationale de France l’acquiert, faisant jouer son droit de préemption, pour plus de 12 millions de francs et le conserve depuis dans un coffre-fort, seuls quelques privilégiés ayant pu y avoir accès. Il sera édité en fac-similé dans un luxueux coffret en 2014  en deux tirages, limités chacun à 1 000 exemplaires. Avec ce livre, récit à la première personne de la Première Guerre mondiale, du colonialisme en Afrique, des États-Unis de l’entre-deux guerres et de la condition sociale, Céline obtint le prix Renaudot, manquant de deux voix le Goncourt.

Classique du XXe siècle, traduit en 37 langues, il tient son titre d’un couplet d’une chanson chantée par l’officier suisse Thomas Legler, alors au service de Napoléon, pendant la Bataille de la Bérézina: «  Notre vie est un voyage / Dans l’Hiver et dans la Nuit / Nous cherchons notre passage / Dans le Ciel où rien ne luit ». Le roman est notamment célèbre pour son style, imité de la langue parlée et teinté d’argot, ce qui suscita de nombreuses polémiques à sa parution. En jetant les bases d’un style qu’il nomme son « métro émotif ». Céline refuse d’utiliser la langue académique des dictionnaires, qu’il considère comme une langue morte. C’est l’un des tout premiers auteurs à le faire, avec une force qui influencera largement la littérature française contemporaine.

23 ans après, Servel bruissait du tumulte d’aventures extraordinaires, qui se poursuivirent jusqu’au bout de la nuit, bien après le départ du scribe.

Table 1, dite « Une boucherie » : en 1347, la peste noire envahit toute l’Europe. Les bateaux infestés accostent dans les ports de Constantinople et de Messine en Sicile. La maladie gagna l’Italie et Marseille pour se propager très rapidement dans l’Europe entière. En cinq ans, la pandémie fit 25 millions de victimes sur une population totale de 75. Messina 1347, le jeu de l’excellent Vladimir Suchy, restitue à merveille cette ambiance, avec la propagation des rats, la quarantaine, et le feu pour éradiquer le fléau. Dans son mécanisme, il est dans la grande mouvance des jeux experts de qualité avec de la gestion, de la planification, des échelles, de multiples bonus et actions à combiner pour arriver, in fine, au repeuplement de la ville. Pour cette partie découverte, François joue le registre de la ville, qui permet de grappiller des lieutenants supplémentaires. Un choix stratégique, qui, associé à une excellente programmation, lui permet en fin de partie d’assurer les deux repeuplements les plus lucratifs du jeu (17 et 19). En retard sur la piste de score en temps réel, il sort victorieux au décompte final avec 76, devançant Marc, 69, et Olive 52. A rejouer avec la face b des tuiles, qui propose des plateaux asymétriques !

Table 2, dite « Des cadavres » : A la table de Too many bones, un duel homérique entre un « Boomer » (Tristan) et un « Riffle » (Arakis). L’issue finale de cette table nocturne est un profond mystère.

From the MoonTable 3, dite « Des voyages » : après un voyage très lointain, les joueurs de From the moon (François-René et les deux Olivier) sont en compétition pour gérer et développer la base lunaire qui va lancer des missions spatiales de survie à travers la galaxie. Au baveux qui s’enquiert de la joute par un « ça se passe bien ? », il sera répondu un mystérieux « ça dépend pour qui », que les brumes de la nuit ne dissiperont jamais.

Table 4, dite « Des moutons » : Expédition aux antipodes pour jouer à Great Western Trail Nouvelle-Zélande, avec Élie, Fred, Mickaël et Dom, les trois derniers ayant déjà disputé la partie inaugurale juste avant Noël. On confirme que le jeu est moins contraignant que son parent, il y a plus d’argent et on peut faire évoluer sa stratégie en cours de partie (mais peut être quand même qu’une stratégie très orientée serait supérieure ?) Fred recrute une première bergère à bas prix et est le premier à acheter des brebis haut de gamme et à faire de belles livraisons à Wellington, cela en découle. Élie part plutôt sur une dominante « construction ». Mickaël et Dom accumulent les cartes « deck building » qui font tourner la main avec quelques bénéfices. Ensuite, tous sauf Dom vont naviguer loin, là où les îles donnent des points en fin de partie. C’est Mickaël qui met fin à la partie, difficile de savoir qui est en tête car il y a une douzaine de façons de marquer des points; en fait c’est très serré : Mickaël 113, Dom 112, Fred 107, Élie 70.