C’était une construction rectangulaire et uniforme dont le gazon recouvrait gracieusement les abords ; elle était percée de petites fenêtres que le soleil faisait étinceler et se terminait par une sorte de plate-forme dont les créneaux, réguliers et ennuyeux, gravaient dans un ciel bleu des dents qui semblaient avoir été dessinées par quelque forme d’écriture automatique. Nous devions nous laisser guider par une foule d’idées, enfantines comme la réalité dont tous nos actes étaient empreints. Le seuil franchi, on s’enquit d’une autorisation à fournir. Oui, il en fallait une bien sûr, mais, à cette heure et un dimanche, on en dispensa les malheureux, parfois venus de fort loin, qui ne pouvaient la produire. Pour ma part, j’avais été convoqué. J’entrai, et soudain, le bâtiment administratif se métamorphosa. Devant moi se dressait le camp immense de la cité antique de Yucatan, où l’on guerroyait comme au temps des aztèques. Sur ma gauche, une centrale électrique tournait à plein régime. Une nuée d’ouvriers de la firme Nucleum y bourdonnait comme dans une ruche. Dans un recoin, on troquait des épices contre de mystérieuses reliques enfouies sous la Dune Imperium. Est-ce que je ne ferais pas mieux de dormir encore un peu et d’oublier toute cette bouffonnerie ? C’était impossible, bien sûr, car, relisant fiévreusement ma convocation, je réalisai que ce tribunal des flagrants délires s’apprêtait à conduire mon procès. Sans avoir connaissance des termes de l’accusation ni, à plus forte raison, des suites qui pourraient lui être données, il me faudrait me remémorer toute ma vie, jusque dans les actes et les événements les plus infimes, puis l’exposer et enfin l’examiner sous tous ses aspects. J’entrai dans Tammany hall, où se tenait justement une élection dans des temps reculés, et me revint le souvenir, sur un bateau dans le port de New York, de la statue de la Liberté apparue dans un sursaut de lumière. On eût dit que le bras qui brandissait l’épée s’était levé à l’instant même, et l’air libre soufflait autour de ce grand corps, tandis qu’une horde d’immigrants patientait, attendant leur tour, pour voir enfin un certain Dominic élu dans un fauteuil. Ce n’était pas ma salle, donc. J’en ouvris une autre, et le cauchemar reprit. Horreur à Arkham, pensè-je après avoir parcouru d’immenses champs d’Agricola infestés de nuisibles, et croyant, au sortir de rêves agités, me retrouver changé en un énorme cancrelat. Une autre porte s’offrait à moi, elle menait à Room 25, où des gardiens patibulaires me prirent aussitôt en charge. « Chez nous, en règle générale, les procès ne sont pas intentés pour n’aboutir à rien », me fit-on comprendre, avant de me pousser dehors avec un thé au goût subtil et un délicieux gâteau aux effluves inconnues – il faut bien adoucir l’amertume de la vie, puisqu’on nous la rend amère dès notre jeunesse. Après avoir arpenté tous les lieux, il était tard lorsque je sortis. La ville était cachée par la brume et par la nuit, nul rayon de lumière n’indiquait le grand château. Dans quel village m’étais-je égaré ? Y a-t-il donc un château ? Je restai longtemps sur le parvis de bois qui menait de la grand-route au village, les yeux levés vers les hauteurs qui semblaient vides. Soudain, le château de Kingdomino m’apparût, un Trio se présenta à moi, et nous voilà tous quatre, affairés à construire autour un fastueux domaine. Une sourde dispute éclata à la fin, sur le point absurde de savoir si le centre du domaine était bien centre quel que soit son état d’achèvement, pinaille qui occupa mes compagnons de labeur en palabres jusque dans la nuit. Mais, avant mon procès, il était grand temps de frapper à la porte de Sherlock Holmes Détective conseil. Je n’étais pas seul : une nuée de requérants l’avaient aussi mandé, et ce ne fut que mangeailles et discutailles sans fin, pour finit à l’orée de la nuit en chamailles sur les relations entre une certaine femme et un certain bijou. Certains se complaisaient dans une vision fantasmée de la fin en roman d’espionnage d’un dîner galant, sous le regard courroucé des tenants de la raison, piétinés, ici comme partout ailleurs dans cette journée folle. Je sortis abruptement, juste après que fut prononcé le verdict, me laissant tomber dans le vide. À ce moment, il y avait dans Lannion des précipitations littéralement folles.
Nucleum
Séance de VENDREDI 05/04/2024 à Servel
Le 5 avril 1722, l’explorateur hollandais Jacob Roggeveen aborde une île isolée en plein Pacifique. Comme c’est le jour de Pâques, il la baptise … Île de Pâques. Sommet émergé d’un massif volcanique sous-marin, à la différence de la plupart des autres îles du Pacifique, elle n’est pas protégée des vagues par une barrière de corail et un lagon, ce qui rend son approche en bateau difficile. Sur son sol aride de 171 km2 survivent quelques centaines de misérables Polynésiens. Les ancêtres de ces malheureux, arrivés en pirogue entre 900 et 1200 de notre ère, avaient découvert un paradis doté d’une faune et d’une flore exubérantes, qu’ils avaient appelé dans leur langue Rapa Nui. Ils avaient bâti une société prospère et même inventé une écriture idéographique, le rondorongo. La population était divisée en clans familiaux dont chacun était établi dans l’une des vallées sèches qui descendaient vers l’océan, cultivant ses jardins et honorant ses morts, déposant leurs dépouilles sur la grève.
Pour se protéger de l’océan, chaque clan avait aménagé près du rivage une plate-forme en pierre surmontée de statues géantes, tournées vers les jardins et les habitants. Ils sculptaient les statues (les moaï) dans les flancs des trois anciens volcans de l’île, les faisaient glisser jusqu’aux plates-formes de pierre qui leur étaient destinées (les ahu), fabriquant pour cela rails et cordages avec les palmiers géants qui couvraient l’île. On a dénombré au total 800 statues, représentant hommes et femmes d’un à 22 mètres. La majorité sont restées sur les lieux d’extraction, en position couchée. 256 ont été déplacées, dont 164 érigées sur les plates-formes. Les interrogations persistent sur l’arrêt subit de cette activité et le déclin brutal de la société pascuane, que les scientifiques situent vers le milieu du XVIIe siècle.
302 ans plus tard, en ce vendredi Saint, les fidèles de Parties Civiles honoraient leurs Dieux favoris.
Table 1, dite « Résurrection » : En ce jour de Pâques, c’est la résurrection du JDR sur nos tables ! L’aquarium accueille une équipe de rôlistes pour un premier épisode du fameux Les lames du cardinal. On y a vu ** SPOILER ALERT ** le Président du parlement, perdu, faisant de sa déconvenue compte-rendu au cardinal Mazarin, et même l’enlèvement de l’ambassadeur des Nations Unies au cours d’une partie de chasse. Une histoire à suivre !
Table 2, dite « Des héros venus d’ailleurs » : Une fine équipe (Nico77, François-René, Olivier B, Franck) engrange une victoire collective à Marvel champions
Table 3, dite « Destination nouvelle » : Fraîchement reçu, aussitôt joué : Let’s go to Japan intègre fièrement le Panthéon des jeux découverts à Parties Civiles. Le sort de cette partie inaugurale entre Samuel et Steven restera indéchiffrable comme un idéogramme.
Table 4, dite « Destin inconnu » : A la table de Nucleum la bataille faisait rage entre Fred, Élie et Thomas, alors que David s’avouait à la peine quand le scribe quittait les lieux : le podium est connu, mais son ordre relève du mystère.
Table 5, dite « Un géant et des nains » : Cette table de l’excellent Amalfi Renaissance vit une bataille homérique entre 4 joueurs aguerris, chacun ayant son heure de gloire : Xof (117), en réussissant seul un objectif à 24 PV, qui semblait à tous inatteignable, mais qui souffrit de n’avoir agrandi sa flotte initiale, Olivier L (88), qui enquillait les personnages à la parade et raflait à chaque fois les meilleures actions en étant premier joueur, François (115), qui, sur une stratégie bâtisseur, construisit quatre nouveaux bateaux et trusta les cartes de scoring en fin de partie, mais perdant sur les phares et plusieurs fois devancé par son voisin, qui prenait l’emplacement convoité, et donc enfin Mickaël, ledit voisin, opportuniste et combotteur à mort, présent partout où il fallait être, et donc indépassable géant de cette partie avec 155.
Table 6, dite « Vol de nuit » : A la faveur de la nuit, on aperçut Marie-Anne et François-René s’exercer à Sky Team pour un résultat aussi furtif qu’un vol de nuit.
Table 7, dite « Étoiles du soir » : Le soir tombé, les étoiles de Star Wars Unlimited se font jour, mais savoir qui de Luke (Nico77) ou de Dark Vador (Mickaël) l’emporta, c’est une autre histoire.
Séance de VENDREDI 26/01/2024 à Servel
Le 26 janvier 1926, des membres de la Royal Institution assistent à la première séance de télévision. Il ne s’agit que d’une petite image animée en noir et blanc de 30 lignes verticales, mais elle permet de distinguer clairement la silhouette d’un personnage transmise d’un émetteur situé dans la pièce voisine. La séance a lieu à Londres, 22 Frith Street, dans le laboratoire de l’inventeur, un ingénieur et entrepreneur écossais du nom de John Logie Baird. Après de longues recherches, il avait présenté une première fois son procédé en octobre 1924 dans un magasin, mais le résultat avait été trop médiocre pour être pris en considération.
98 ans après, on donnait en simultané sur 4 chaînes une séance de Parties Civiles.
Table 1, dite « Histoires » : Mythic Battles prend du poids et du volume dans les bagages de François-René, venu présenter sa nouvelle acquisition. A la version Ragnarok pour les puristes, il s’impose avec Elie fort d’une collection de runes, se déjouant de Xof et Armand.
Table 2, dite « NRJ » : A la table de Nucleum, déjà de vieux habitués : Olivier L. qui prend un départ compliqué qu’il paiera longtemps, se muant dès lors et selon ses dires en spectateur d’une joute opposant Fred à François. Ce dernier brille en électrifiant et en remplissant des contrats, mais il est défait au décompte final par Fred, qui engrange les points de ses bâtiments fédéraux, sans oublier ses juteuses avancées sur les pistes. Au final, Olivier est juste devant Fred, mais c’est un effet d’optique car il a un tour de retard (78 à 177, donc). François score un honorable 137.
Table 3, dite « Treizième rue» : à La Famiglia Tristan et Franck engrangent une victoire aisée, permise par un butin plantureux mais mal acquis. Marie-Anne et Mickaël n’étaient pas forcément plus honnêtes mais n’ont rien pu faire.
Table 4, dite « Evasion » : Nouveau tour en Nouvelle-Zélande qui réunit cette fois Xel, Neox et Dom à Great Western Trail Nouvelle-Zélande. Les deux premiers ont joué au jeu de base mais il y a bien longtemps, comme l’a fait remarquer Neox on perd des réflexes à moins jouer. Dom tire les leçons du vendredi précédent où il avait peiné après avoir longtemps n’eu qu’une seule bergère. Cette fois c’est Xel, vu le faible nombre mis en jeu et les achats agressifs des deux autres, qui en souffrira. Elle axe sa partie sur les bâtiments et la navigation pendant que Dom et Neox (le premier à augmenter sa taille de main) font des livraisons à Wellington de plus en plus valables. En fin de partie Neox musarde sur la route sans réaliser qu’il fait le jeu de Dom qui, à toute berzingue, fonce faire une ultime livraison à 13 PV et comme on dit « to add insult to injury », rafle le jeton de fin de partie à 5 PV. Il ressort en tête du décompte des points avec 131 PV devant Neox 92 et Xel 72.
Séance de VENDREDI 05/01/2024 à Servel
Le 5 janvier 1477, Charles le Téméraire, « Grand Duc d’Occident », trouve à 43 ans une mort tragique et solitaire en faisant le siège de Nancy, blessé d’un coup de hallebarde par l’un des Lorrains ou Suisses qu’il combattait. Défait par les Confédérés suisses, Charles le Téméraire s’était retourné contre le jeune duc de Lorraine René II, qui lui a repris la ville. Par une matinée glaciale, aux côtés son demi-frère Antoine, dit le Grand Bâtard, qui lui a toujours été fidèle, mais n’ayant plus avec lui qu’une poignée de soldats, il livre bataille à son ennemi qui bénéficie d’un effectif beaucoup plus nombreux (15 000 contre 2 000), essentiellement de mercenaires suisses. Ses troupes sont taillées en pièces, lui-même disparaît dans la mêlée. Le lendemain, à Nancy où René célèbre son triomphe, un jeune page révèle au duc avoir vu Charles le Téméraire tomber de cheval. René se rend en escorte sur le lieu indiqué et, parmi plusieurs corps dévorés par les loups et que les pillards ont déjà dépouillés de leurs vêtements, on croit reconnaître celui du Téméraire. Son médecin se penche sur le cadavre et l’identifiera formellement d’après une cicatrice à la gorge et une bague restée au doigt.
Quelques années plus tard, à Lannion, on guerroyait sur tous les continents et toutes les époques.
Table 1, dite « Voyage hasardeux » : Une partie d’Iki avec extension pour quatre expérimentés, Mickaël, Axel, Samuel et Dom. La preuve : tous finissent avec les cinq couleurs de personnages dans leur jeu. Le hasard du marché des personnages fait que très peu de bâtiments ont été construits (la maison de thé par Axel). Les incendies n’ont fait aucun dégât. Samuel a fait la course en tête sur la piste d’incendie et a accumulé les points de victoire en cours de partie. Par contre sans jetons tabac ou poissons il marque peu en fin de partie et finit second avec 98 PV. Mickaël fait un dernier achat de poissons à 12 PV qui lui donne la victoire avec 108 PV. Axel et Dom ferment ce tir groupé avec 94 et 93.
Table 2, dite « Fin prématurée » : lorsqu’Elsa von Frühlingfeld présenta son invention au roi Frédéric-Auguste II de Saxe, les gens pensèrent à une supercherie. Cette scientifique du dix-neuvième siècle a utilisé l’uranium, élément récemment isolé, pour chauffer un seau d’eau, et la vapeur générée pour alimenter un moteur, qui lui-même maintenait l’uranium actif via un processus qu’elle appela « atomisation ». Son appareil, le Nucleum, a marqué le début d’une nouvelle ère d’énergie et de prospérité pour les décennies suivantes, et plus prosaïquement pour nous, le jeu dérivé de l’invention éponyme.
Simone Luciani (Tiletum, Tzolk’in, Grand Austria Hotel…) souvent plus développeur qu’auteur, est ici, comme à son habitude accompagné d’un auteur de renom: David Turczi, qui n’est pas non plus n’importe (Teotihuacan, Anachrony…) . Deux auteurs exceptionnels pour un jeu d’exception, jeu que Fred nous présente comme nécessitant un apprentissage au long cours, avouant n’en avoir pas encore maîtrisé les arcanes. Cet aveu d’un si fin connaisseur glace le sang d’Olivier et François, mais il est trop tard pour reculer, et les voilà pris dans l’engrenage. A la découverte, le jeu se révèle d’une grande richesse, avec de faux-semblants de Brass, autre aventure industrielle, moins librement inspirée de la réalité : on construit des rails pour relier des villes, et un réseau à partir duquel on peut agir. Les rails sont en fait des tuiles à double face, l’avers étant constitué d’un couple d’actions associés à une couleur, actions que l’on résout avant de poser son rail, en respectant bien sûr les couleurs. On établit des bâtiments, on fore des mines et on active des centrales, tout l’enjeu étant de réussir à électrifier ses bâtiments en amenant l’uranium par un réseau de rails, ou le charbon pour les nostalgiques. Olivier et Fred jettent leur dévolu sur le matériau rare au sud du plateau, alors que François s’exile au nord, jouxtant une mine de charbon en activité. Ce mouvement calculé à l’instinct l’éloigne du champ de bataille, lui permet de construire à tour de bras et de récolter de précieuses étoiles lors de l’électrification. Il prend rapidement la tête, lentement rejoint par Fred et Olivier qui montent en puissance, mais ce n’est qu’un leurre, car tout se règle à la fin de partie sur la piste des étoiles, qui offre des bonus plantureux à ceux qui s’y sont bien placés. Sentant son avance fondre, sur les coups de minuit, François décide de mettre fin à la partie, au grand dam de ses adversaires, en vidant le marché, coup hautement stratégique qui lui offre une victoire de prestige avec 152 PV, devant Fred, 128, et Olivier, 99.
Attention une précision très importante aux règles (source Luciani lui-même): « Pour pouvoir construire dans une ville, sauf la toute première, il faut un rail À SOI qui relie à la ville en question contrairement à ce qui est écrit sur les règles »
Table 3, dite « Rois sans divertissement » : convoqués à une séance de Gloomhaven : les mâchoires du Lion, François-René, Armand, Jérôme et Olivier B. s’en sortent brillamment. Ils enchaînent sur Kites, mais leur final est perturbé par l’arrivée intempestive d’un journaliste amateur, puis finissent par s’encanailler au casino des banques centrales avec Q.E. François-René s’y distingue en la jouant super Mario (Draghi bien sûr, pour les intimes).
Table 4, dite « Chronique d’une mort annoncée » : Jérôme et F-R inaugurent Sky Team, un original jeu coopératif à deux où, respectivement pilote et copilote d’un avion de ligne, les joueurs doivent le faire atterrir en utilisant des dés dont la valeur est inconnue de l’autre. Pas mal d’options et de configurations laissent anticiper un jeu riche, mais avec une certaine courbe d’apprentissage : ce soir le 757 s’est crashé avant d’avoir atteint le seuil de piste de l’aéoport de Montréal.
Table 5, dite « Duc d’occident » : à cette table de Civilization (en version 2018), on retrouve Xel, Adrianne, Benjamin et Steven, ce dernier réglant son petit monde avec un panache que n’aurait pas renié le duc d’Occident.