On ne compte plus les articles qui ont été écrits sur ce 9 août 1942, non plus tous les fantasmes qui en ont découlé. Sur tous les détails, la photo d’après-match où on voit des sourires, sur ce qu’il s’est réellement passé pendant, et ensuite, mais aussi sur le contexte d’un Kiev martyr au lendemain du massacre de Babi Yar, fin septembre 1941, le plus grand massacre de la Shoah par balles mené par les troupes nazies en Union soviétique (33 000 morts). Ce jour là, l’histoire va s’écrire sur un terrain de football. Celle d’un match qu’il ne fallait pas gagner, mais aussi celle du stade Zénith de Kiev, devenu depuis le Start Stadium.
En juin 1941, Hitler déclenche l’opération Barbarossa, malgré le traité de non-agression signé deux ans plus tôt et Kiev tombe, le 19 septembre. Le championnat soviétique a alors vu le jour cinq ans plus tôt et doit se mettre en attente. Déjà, il y a ce monstre sportif : le Dynamo Kiev, son histoire, ce club fondé par la police et le NKVD qui commence à se faire un nom alors que ses joueurs sont appelés à prendre les armes pour défendre l’Ukraine. Ce pays « laboratoire de souffrance de Staline » comme l’explique l’écrivain Pierre-Louis Basse, auteur de Gagner à en mourir (2012), consacré au Match de la mort. Il poursuit : « Le sentiment était alors assez bizarre à ce moment-là car l’arrivée des troupes allemandes a été perçue comme une respiration pour les habitants de Kiev. C’est d’ailleurs une erreur majeure de Hitler car cette région, au départ, était assez acquise aux SS. » Au final, l’opération Barbarossa conduira à la capture de centaines de milliers de prisonniers soviétiques avant la remise en liberté de ceux considérés « inoffensifs » dont d’anciens joueurs du Dynamo comme le gardien Nikolai Trusevich.
Le Dynamo Kiev n’existe plus. Trusevich et ses potes errent dans les rues de Kiev, cherchent à manger et à tuer le temps jusqu’à ce que l’ancien gardien tombe sur Jozef Kordik, un Tchèque considéré par les Nazis comme un étranger d’origine allemande, au point d’être nommé directeur d’une boulangerie de la ville. Il y engagera Nikolai Trusevich. L’histoire s’écrit ainsi : les mois passent, l’idée d’un club de foot se forme et Trusevich file retrouver ses anciens coéquipiers de l’époque pour mettre en place le FC Start. Le groupe se compose alors de huit anciens joueurs du Dynamo et trois du Lokomotiv Kiev et prend les couleurs qu’il trouve, celles de l’équipe nationale soviétique : short blanc, maillot rouge, chaussettes rouges. Trusevich dira : « Les Fascistes devraient savoir que cette couleur ne peut être vaincue.». Le FC Start devient vite intouchable. Il ne perdra jamais une rencontre.
Le 6 août contre la Flakelf, l’équipe montée par la Luftwaffe, l’armée de l’air allemande, malgré les menaces, la bande à Trusevich s’amuse (5-1). Les autorités n’apprécient pas, parlent du moral des aviateurs du IIIe Reich, mais peu importe. Basse le retranscrit : « Une ville qui reprend goût à une forme de légèreté et d’indépendance, de victoire aussi, fût-elle avec un ballon, peut très vite devenir dangereuse pour l’occupant. » La Flakelf demande alors une revanche qui aura lieu trois jours plus tard. Voilà ce qu’on appelle aujourd’hui le Match de la mort. Le stade du Zénith est sous surveillance alors que Kiev est rempli d’affiches pour annoncer la rencontre du jour. La police est présente, les troupes allemandes aussi, qui ont rempli de force le stade pour que l’humiliation se fasse sous les yeux de la nation.
L’arbitre de la rencontre, un officier SS, se présente avant la rencontre dans le vestiaire du FC Start et demande à l’adversaire, dans un russe parfait, de saluer avant le coup d’envoi à « notre manière », c’est-à-dire en réalisant le salut nazi. Le silence est total. Quelques minutes plus tard, le XI de la Flakelf entre, fait le salut nazi alors que le FC Start refuse de s’exécuter. Les joueurs ukrainiens auraient alors crié un « Da zdravstvuyet sport » – slogan soviétique à la gloire du sport – repris par le stade. La suite ? Des sales coups, de la pression, Trusevich frappé à la tête, la Flakelf qui ouvre le score sur l’action, un arbitre qui ne siffle pas. Mais le FC Start se remet à l’endroit pour lancer sa démonstration, qui se terminera sur un net 5-3. « Une histoire de dribbleurs fous et insouciants, qui avaient préféré la mort à un match arrangé » , selon Basse, jusqu’à repousser une dernière pression autoritaire à la pause (3-1).
Quelques jours plus tard, les joueurs sont arrêtés par la Gestapo. La raison ? Ils seraient membres du NKVD. L’un des joueurs est torturé jusqu’à la mort à cause de son statut de membre du Parti communiste. Trusevich, lui, est arrêté le 18 août dans la boulangerie avec deux coéquipiers. Les trois hommes seront interrogés 23 jours puis envoyés au camp de travail de Syrets, à Bobi Yar, près de Kiev, où huit joueurs seront déportés, et trois exécutés en février 1943 – dont Trusevich, qui se serait levé sur un « le sport rouge ne mourra jamais » avant de mourir.
Le premier article dans la presse soviétique consacré à l’illustre rencontre parait le 17 novembre 1943 dans la Kiïvska pravda, puis, en 1944, le journal du front de Transbaïkalie publie, sous forme de feuilleton, la nouvelle Dinamovtsy qui présente les joueurs comme héros de la résistance. En transformant les joueurs en personnages de la lutte anti-nazie, l’auteur cherchait à leur épargner d’inévitables poursuites pour collaboration, car c’est ainsi qu’une rencontre sportive pouvait être interprétée. Le terme Match de la mort sera évoqué une première fois en 1958 par la propagande soviétique, alors que la rencontre avait au départ été vue comme une collaboration avec l’occupant.
Après la guerre, deux films de 1962, Troisième mi-temps et Deux mi-temps en enfer consolident ce scénario dans la mémoire collective des Soviétiques. Le film Match d’Andreï Malioukov réalisé en 2012, qui a reçu la majorité de son financement du gouvernement russe, ne remet pas en cause l’héroïsme des footballeurs, mais se distingue des productions précédentes par la représentation de la plupart des Ukrainiens comme collaborateurs et sympathisants des nazis. Les Ukrainiens ont réagi avec indignation à de telles représentations.
En France, l’écrivain Laurent Binet dans son roman HHhH (2010) reprit la légende forgée par les Soviétiques, celle de la menace de mort en cas de victoire de l’équipe soviétique. Depuis, la romantisation a fait son travail et, non, les joueurs n’ont pas été exécutés dès la fin de la rencontre. Reste une statue, posée à l’entrée du stade Zénith en 1971. Et une absence totale d’images. Pourtant, selon les mots de Basse, les Allemands « filmaient tout. Y compris leurs crimes de masse. Les derniers moments, en sous-vêtements, des familles condamnées. Les pendus, dans les villages, qui faisaient dans l’hiver comme de gros épouvantails, pris dans la glace. Les partisans fusillés. On peut s’étonner qu’ils n’aient pas filmé le match du 9 août 1942. »
80 ans plus tard, à Lannion, une lutte à mort se déroulait dans le huis clos d’une maison de quartier.
Table 1, dite « Gardiens et prisonniers » : Xel, François, Yann, Malo, Fred et Xof trouvent en Room 25 la réconfortante combinaison d’un jeu pas trop long, bon à 6, et dont on sait expliquer les règles. L’aventure tourna court pour les prisonniers, Yann périssant rapidement dans la chambre rouge, pourtant dûment signalée par une balise mémorielle de François, et Fred, unanimement soupçonné, se fit pousser dans un bain d’acide. Pourquoi ne se défendit-il pas de l’opprobre qui l’entourait, cela reste un mystère de blanche colombe (celle que n’atteint pas le prurit du crapaud baveux). Quoi qu’il soit, deux prisonniers morts, cela suffit à faire gagner Xof et Malo, sur lesquels les doutes s’épaississaient au fil des tours sans qu’on devinât jamais que, gardiens, ils l’étaient tous les deux.
Les mêmes enchainent ensuite sur l’inoffensif Détective Club, qui vit la victoire éclatante de Malo, beau parleur devant l’éternel, alors que Fred, ici encore, fut soupçonné bien plus souvent qu’à son tour, et sans qu’il s’en défendît avec assez de vigueur.