Le 12 novembre 1915, Roland Barthes venait au monde. Pionnier de la sémiologie, pourfendeur d’idées reçues sur la critique littéraire, les mythes ou encore le statut de l’auteur, il a une place à part parmi les intellectuels français. Son homosexualité, ses incursions dans les champs du théâtre, de la photographie et de la littérature, sa disparition baroque dans un accident avec une voiture de blanchisserie en plein Paris, rue des Écoles, les pastiches dont il fut l’objet en font aujourd’hui une sorte de mythe de son époque, qui aurait mérité un chapitre de ses Mythologies, à côté de la Citroën DS, du steak-frites ou du visage de Greta Garbo.
104 ans après, à Lannion, un empire de signes se déployait sous les jeux des joueurs de Parties Civiles.
Table 1, dite « Mythologies » : Baptiste et Neox remontent sur le ring pour la deuxième semaine pour revisiter les mythes de l’Ouest américain à Paladins du Royaume de l’Ouest. Galants, ils ont convié également Camille et Xel. Comme la semaine dernière, Neox survole la partie, avec 89 points, laissant Baptiste au même étiage que vendredi (49). Xel (46) et Camille (42) ont observé, mutiques, cette mythique prise de catch d’un Président pas si débonnaire. « La vertu du catch, c’est d’être un spectacle excessif » disait Barthes dans Mythologies .
Table 2, dite « Fragments d’un discours amoureux » : Lucas et Thibault s’enferment dans l’aquarium pour un Terraforming Mars. Pourvu de toutes ses extensions, il sert de prétexte à les emmener jusqu’au bout de la nuit pour un tête-à-tête dont nous ne connaissons pas l’issue, puisque nous les laissâmes à leur intimité prolongée bien après l’heure du bouclage. Intimité bien imitée mais feinte: dans Mythologies, Barthes remarquait « Ce que le public réclame, c’est l’image de la passion, non la passion elle-même ».
Table 3, dite « Le bruissement de la langue » : on a beaucoup parlé à cette partie de Glory to Rome où Dom prit d’abord le ton professoral du Collège de France qu’on lui connaît pour énoncer les règles, RomJé jouant à livre ouvert dans une partie que l’on voyait promise à Audrey, nantie d’une liste vertigineuse de Patrons (qui sont en fait, dans cet univers romain, plus proche des esclaves), Dom encore commentant à l’envi ses combinaisons mirifiques qui ravissaient la foule (comme on dit à Hanabi). Tout ceci mêlé faisait un bruissement de langues et composait comme une écriture à quatre plumes. « L’écriture est précisément cet acte qui unit dans le même travail ce qui ne pourrait être saisi ensemble dans le seul espace plat de la représentation » indique justement Barthes dans L’empire des signes. Pourtant ce n’est ni Audrey (20) ni Dom (22) qui triomphèrent à cette fête romaine. Votre narrateur se voyait mal en point quand la partie prit fin, comme toujours à ce jeu, de façon abrupte, par un « Je pense » de RomJé. Pourtant je terminai à égalité avec lui (28), par la grâce d’un marchand démultiplié. Mais mon adversaire obtint la victoire grâce à sa main plus fournie, l’effet justement de sa dernière pensée ! Cogito ergo sum – Je pense, donc je suis (vainqueur), conclut-il, à la romaine, en latin.
Table 4, dite « Boissons et totems » : le Doc Nico sort Neta Tanka et attire dans ses rets Olive, et François-René, tardivement arrivé. Nous sommes le long de la Grande Rivière Gelée, où vit la tribu des Frostrivers en harmonie avec la Nature. La tribu obéit aux lois des Quatre Anciens, dirigés par le plus vénérable d’entre eux: le Neta-Tanka. Au crépuscule de sa vie, il réunit tous les Clans de la Tribu pour désigner son successeur. Durant cette cérémonie, chaque clan présente un jeune chef qui devra montrer sa générosité et sa capacité à pourvoir aux besoins des siens, pour devenir le nouveau Neta-Tanka. A l’issue de cette partie longuement étirée comme une dégustation de grands crus, c’est le Doc qui s’impose avec 48, devant F.-R., 33, et Olive, 30. Une victoire largement due à ses 18 points de totem qu’il acquit sans tabou. A propos de vin et de totem, Barthes disait ceci dans le chapitre « Le vin et le lait » de Mythologies: « Le vin est senti par la nation française comme un bien qui lui est propre, au même titre que ses trois cent soixante espèces de fromages et sa culture. C’est une boisson-totem, correspondant au lait de la vache hollandaise ou au thé absorbé cérémonieusement par la famille royale anglaise. »
Table 5, dite « La chambre claire » : pour finir la soirée, Doc Nico propose un petit Jumpy Jack. Voici un jeu de course de chevaux où l’on parie sur son tiercé dans le secret de sa chambre obscure, avant de faire avancer les pur-sangs (une sorte de variante hippique de Lemming Mafia si on veut). Il y a des chausse-trappes en cours bien sûr, les chevaux pouvant être ralentis, accélérés ou carrément éliminés, perspective que Barthes avait envisagée dans La Chambre claire: « J’observe avec horreur un futur antérieur dont la mort est l’enjeu. » A ce jeu de bluff où il s’agit de parier sur le positif en faisant croire au négatif, Doc Nico fit impression, triomphant sur un dernier pari qui fut l’unique tiercé dans l’ordre de la partie: un JOB (Jaune, Orange, Bleu) well done en l’occurrence !
Pour discuter de cet événement, RDV sur le forum