Léon Zitrone partage avec mon père la curiosité statistique d’être venu au monde et d’en être parti le même jour, pour lui il s’agissait du 25 novembre. Entre 1914 et 1995, cet émigré russe, polyglotte et érudit, fit les beaux jours d’Intervilles, du turf, du tour de France et plus généralement de tous les défilés, comémorations et cérémonies en tout genre, au point d’incarner à lui seul une époque de la télévision, l’ORTF. De Gaulle a d’ailleurs dit à ce sujet : « Léon Zitrone est peut-être plus connu que moi ».
Eh bien mesdames et messieurs, je suis actuellement en direct du centre St-Elivet à Lannion, dans les Côtes du Nord, où on nous annonce un événement tout à fait exceptionnel. En effet, à la Table 1, Tristan, un jeune adhérent de l’association Parties Civiles est sur le point de nous dévoiler sa toute nouvelle acquisition, le jeu Food Chain Magnate.
Ne vous fiez pas au tee-shirt que vous le voyez porter sur ces images et qui célèbre la pétanque, nous parlons là d’un récent opus de l’éditeur néerlandais Splotter, un jeu ma foi aussi complexe qu’abouti et qui nécessite un certain apprentissage que notre jeune adhérent semble avoir parfaitement maîtrisé. Ce jeu a recueilli un grand succès dans le petit monde des amateurs de jeux sophistiqués, remporté de nombreux prix, au point qu’il est désormais épuisé. C’est donc aujourd’hui une rareté, à l’image, il faut bien le dire, de la plupart des productions de Splotter, et c’est pourtant un exploit, car il faut savoir que cet éditeur tourne seulement avec deux personnes, et qui ne sont même pas des employés car ils ont un autre travail dans la journée. Je vois autour de Tristan un quintett d’adhérents fidèles de cette association : Dominique, Thomas, Xel et François, qui ont donc l’honneur de s’inviter dans votre salon pour vous présenter en direct les arcanes de ce jeu, dont son heureux possesseur est actuellement en train de nous expliquer les règles.
Alors si l’on s’approche de la boîte avec notre caméraman, on voit un design tout a fait réussi, je dirais vintage, qui nous replonge dans l’ambiance des années 1950 aux Etats-Unis, au tout début de l’âge d’or du fast food. Car à ce jeu, voyez-vous, vous êtes le propriétaire d’une chaîne de restaurants que vous allez gérer tout au long de son cycle de vie, en recrutant des employés, en faisant de la publicité par divers moyens, en cuisinant bien entendu, et en attirant les consommateurs. On est tout à fait dans l’ambiance, voyez d’ailleurs ces cartes milestone qui vous récompensent lorsque vous êtes le premier à faire quelque chose de remarquable et qui vont jouer un grand rôle dans le jeu. Je vois déjà Thomas recouvrir son espace de ces cartes, et Dominique n’est pas loin. Le jeu est tout nouveau mais voyez-vous, avec une telle brochette de passionés, les règles sont assimilées en un temps record n’est-ce-pas, c’est absolument fascinant.
Nos entrons maintenant dans le coeur du jeu: on poste des publicités, on vend ses produits, et on choisit les meilleurs emplacements. Je vois Tristan prendre un certain leadership sur le jeu, il est allé jusqu’à louer un avion pour innonder le quartier de ses publicités de pizza, mais dans le fond de la table, Dominique en casaque grise fait feu de tout bois avec ses promotions et ses serveuses, et accumule les $ en vendant ses limonades et ses burgers, ces petits pains ronds remplis de viande qui font les délices de nos amis américains. Il mange en quelque sorte la laine sur le dos de François, qui semble, il faut bien le dire, assez loin d’avoir assimilé la stratégie gagnante, même si je le vois dans un effort héroïque ouvrir un deuxième restaurant juste en face de celui de la casaque grise, et même peut-être un troisième. Observez au passage la qualité du matériel et des illustrations: comme il semble loin le temps où Splotter expédiait ses jeux dans des boîtes de cassettes vidéo pour économiser de l’argent !
C’est maintenant la phase des salaires, car il faut bien payer tous ces employés, même si certains sont souvent à la plage, et je n’invente rien car je l’ai lu dans les règles. Et Tristan est incapable de payer ses recrues: il doit les licencier avec pertes et fracas, est-ce le tournant du match pour lui qui semblait si bien parti ? La casaque jaune de Thomas me semble bien en jambes pour virer en tête, mais Dominique ne va-t-il pas profiter des énormes volumes de réclame lancées par Tristan pour des parts de pizza qu’il sera incapable de produire faute d’avoir des cuisiniers à son service ? Mais oui c’est bien ce qui se passe Mesdames et Messieurs, la casaque grise opère un retour du diable vauvert et coiffe au poteau très largement ses poursuivants !
Regardez d’ailleurs la table d’arrivée après trois heures de bataille sans merci: 1. Dominique 251, 2. Tristan 98, 3. Thomas, 96 ! Quel tiercé étonnant alors que Xel avec 65 et François à 27 peinent à figurer sur la photo finish dont il ne sera absolument pas nécessaire d’attendre le développement pour célébrer le triomphe absolu de Dominique sur cette partie, lui qui ne connaissait pas les règles du jeu en début de soirée et qui est parvenu, sous vos yeux admiratifs, à damer le pion à tous ses opposants ! Voilà une partie qui fera date et je crois que l’on reverra de nombreuses fois ce jeu dans les séances de cette fort sympathique association !
Alors que les clameurs s’éteignent, je n’ai qu’à pivoter sur moi-même pour découvrir à la Table 2 le démarrage d’une campagne d’Assaut sur l’empire. Je reconnais ici Laurent, Mickaël, Jack, Nourdine, et Nicolas II et je m’approche de François-René, pour lui demander l’issue de cet assaut, et il me répond: « J’ai explosé les vachettes », un fort bel hommage à Intervilles, dont il est, me souffle-t-on, un admirateur tout à fait inconditionnel !
A la Table 3, c’est le jeune poulain Axel, donné à 18 contre 1, qui s’impose avec 55 à Mission Planète rouge, où il fallait jouer dans l’ordre Julien (38) et Jeff (29), un tiercé que vous complèterez avec Elaine (25) pour le quarté et Gael (23) pour un quinté que personne n’avait vu venir dans cet ordre.
Table 4, nous avons eu un duel à Fief entre Michal et Olivier, qui se sont associés pour pourrir la vie de Neox et Camille, mais comme il y a une morale dans tous ces jeux, nous le découvrons ensemble ce soir, ils ont échoué !
La Table 5 vient d’opposer dans l’univers très particulier de Hit z Road Nicolas II, Michal, Nourdine, et François-René. Ce dernier est nous dit-on le seul survivant, et donc le seul à même de nous en narrer le déroulement et nous déclare: « Rester debout dans la tournette, c’était pas donné aux mous du genou », ce qui je crois résume on ne peut mieux cette partie.
Mais je rejoins désormais la Table 6, qui sera la conclusion de cette soirée, le déjà culte Codenames. Sur la gauche de votre écran, vous avez les rouges (François, Xel, Nourdine, François-René) et sur la droite les bleus, Thomas, Dominique, Nicolas II et Tristan. Nous avons là une partie exrêmement serrée que les bleus vont gagner deux manches à une, mais qu’ils auraient tout aussi bien ou perdre sur un dernier coup décisif, où, pour faire deviner Palme et Londres, un énigmatique pudding 2 sera lancé, qui orientera vers Couche (mot assassin). Oxford ou Ken Loach auraient fait gagner à coup sûr ! Dans cette partie où Régine (reine des boîtes de nuit) cotoya Mickeal Kael (qui se contenta pour cette fois d’un Bouc), ils auraient pu tout aussi bien gagner avant, perdant une autre manche sur un Lune 2 pour Jour et Croissant (Eclat fur proposé à la place de Jour), là où un Ramadan 2 aurait offert une victoire assurée. Mais, nous le savons bien, et je conclurai là-dessus cette soirée, l’histoire ne repasse jamais les plats.
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