Le 27 juin 1905, une mutinerie éclate à bord du Potemkine, le principal cuirassé de la flotte de guerre russe. Sur le moment, l’événement passe inaperçu dans une Russie bouleversée par une première Révolution et une guerre désastreuse contre le Japon, mais il va acquérir beaucoup plus tard une notoriété mondiale et accéder au rang de mythe historique, par la vertu d’un film que lui a consacré le réalisateur Eisenstein vingt ans après.
Depuis sa défaite de Tsushima, un mois plus tôt, face à la flotte japonaise, la marine du tsar Nicolas II est agitée par des mouvements divers et les officiers ont le plus grand mal à se faire respecter de leurs hommes. Sur terre, dans tout le pays, se multiplient grèves et rébellions depuis la révolte sanglante du 22 janvier 1905 à Saint-Pétersbourg (dimanche rouge).
Sur le cuirassé Potemkine, le commandant, le capitaine de vaisseau Golikov a su jusque-là préserver la discipline par une relative humanité. Mis en service deux ans plus tôt, le navire mesure 113 mètres de long, déplace 12 600 tonnes et transporte 700 hommes. Ses marins sont pour la plupart des paysans sans éducation, recrutés de force quelques mois plus tôt pour combler les effectifs creusés par la guerre. Ils n’ont pas encore l’expérience du feu.
Tandis qu’il effectue des exercices sur la mer Noire, au large d’Odessa, le cuirassé est ravitaillé comme de coutume en provisions. Au petit matin, les marins s’approchent des carcasses qui pendent sur le pont en attendant leur mise en cale et découvrent une viande en putréfaction, puante et truffée d’asticots. Ils se rassemblent autour des carcasses. C’est l’indignation. Le médecin du bord, le docteur Smirnov, examine la viande. Avec mépris pour les brutes qui l’entourent, il prétend sentencieusement que la viande est « comestible » sous réserve d’être simplement lavée avec du vinaigre.
Les marins murmurent et se retirent. Arrive l’heure du déjeuner. Dans le réfectoire, les cuisiniers amènent les marmites de bortsch, avec la viande bouillie. Cette fois, c’est l’explosion. Les marins refusent de manger et conspuent les cuisiniers. Alerté par le vacarme, le second du navire, un aristocrate polonais brutal et cassant, le capitaine de frégate Hippolyte Giliarovsky, alerte le commandant. Devant celui-ci, le docteur réitère son verdict sur l’état de la viande.
Alors, le commandant a la mauvaise idée de faire battre les tambours et de rassembler l’équipage sur le pont. Il harangue les hommes et demande à ceux qui acceptent de manger la viande d’avancer de deux pas. Maladresse ! Par habitude et résignation, seuls quelques vétérans obéissent. Les autres se tiennent cois. Bafoué, le commandant se contente d’annoncer que les marins n’auront rien d’autre à manger. Là-dessus, il se retire et son second poursuit la harangue.
Dans l’équipage figurent quelques militants révolutionnaires du parti social-démocrate, dont leur chef Afatasy Matiouchenko. Ils ont reçu de leur parti la consigne de préparer les marins à une insurrection générale de la flotte de la mer Noire. Matiouchenko se dit que voilà l’occasion de devancer l’insurrection générale. Il excite ses camarades à la révolte. Le ton monte… Guiliarovski, réalisant que l’anarchie risque de s’installer à bord, ordonne alors aux marins de se mettre au garde-à-vous et réclame une bâche. Traditionnellement, en cas de mutinerie dans la marine impériale russe, les mutins étaient recouverts d’une bâche avant d’être fusillés. Il est possible qu’à ce stade, le second ait simplement voulu bluffer pour impressionner l’équipage.
Les marins persistant à refuser de manger leur bortsch, Guiliarovski ordonne alors que les « meneurs » soient rassemblés par les hommes d’armes ; ceux-ci s’emparent au hasard d’une douzaine de membres d’équipage. La colère achève de gagner l’équipage. Plusieurs appellent à s’emparer des armes et à prendre le contrôle du navire. Guiliarovski aurait alors ordonné au peloton de tirer, ce qui n’aurait eu pour effet que d’exciter les marins, tandis que les hommes d’armes, face à la foule, refusaient d’obéir à son ordre. L’un des meneurs tire un coup de feu en l’air. Guiliarovski lui tire dessus, le blessant mortellement. Il sera l’unique victime parmi les matelots. Le commandant en second est ensuite à son tour abattu par Matiouchenko.
Alors que la masse des marins ne s’est pas encore engagée, une cinquantaine de mutins se sont emparés d’armes : plusieurs officiers subalternes, présents sur le pont, sont tués à leur tour. Le reste des marins est entraîné par le déchaînement de violence. Les autres officiers sont débusqués de leurs cabines et abattus pour la plupart. Six d’entre eux parviennent à sauter à l’eau et à nager jusqu’au torpilleur 267, conserve du Potemkine. Le commandant Golikov est lui aussi tué, son cadavre jeté à la mer. Le pilote du 267 tente de prendre la fuite mais le torpilleur, visé par les canons du Potemkine, doit faire demi-tour et les mutins en prennent le contrôle.
Onze officiers du Potemkine ont survécu à la mutinerie.
L’empire du soleil levant et les pratiques moyenâgeuses ont servi de toile de fond aux quatre tables qui réunirent, 112 ans plus tard, une poignée de mutins aux intentions pacifistes.
Table 1, dite « Mutinée » : à Troyes, au terme d’une partie épique, Neox, avec 46, sonne la révolte et, mutinerie bien ordonnée commençant par soi-même, s’empare de la victoire qui semblait promise à Xel (45), qui aurait pu – et même dû – s’en saisir. Baptiste sera un peu court (41). Jérôme (32) complète le tableau, mais au champ d’honneur.
Table 2, dite « Faisandée » : Tournay partage avec Troyes le décor mais s’en différencie substantiellement par ses règles. Et il vaut mieux les avoir étudiées avec attention pour comprendre les mécanismes qui font gagner, car l’histoire ne repasse pas les plats. Ce qu’a évidemment compris Tristan, qui s’impose sans mal avec 37. Suivent votre modeste narrateur (32) et Nourdine (28). Une partie faisandée dès sa mise en route, en quelque sorte.
Table 3, dite « Honorable » : au début de l’ère Meiji, Yokohama, qui n’était qu’un petit village de pêcheurs endormi, est devenu, avec l’ouverture du commerce vers l’étranger et le déclin de Edo, la première plaque tournante de commerce du Japon. Pendant cette période, les produits japonais tels que le cuivre et la soie sauvage ont été installés à Yokohama pour être exportés vers des pays étrangers. De plus, la culture et la technologie étrangères ont été peu à peu incorporées au Japon, provoquant une vague de modernisation dans les rues de la ville. Derrière ces incroyables changements se dressaient les marchands de Yokohama. Chaque joueur est un marchand qui rivalise avec d’autres pour gagner de la renommée: présenter des marchandises commandées par des commerçants étrangers, ou apprendre de nouvelles technologies, développer la ville en construisant des « Shop house » et des Maisons de commerce. C’est l’honorable Bruno qui connut la renommée la plus fameuse (150), devant Nicolas II (136) et Thomas (126).
Table 4, dite « Hara Kiri Dory » : la table 2 enchaîne sur Hanabi. Deux manches furent jouées. Dans la première, jouée en mode Dory, 12 petits points furent engrangés. La seconde, avec 16, consacra une sortie d’amnésie pour conclure ce dyptique finalement peu mémorable.
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