Le 8 avril 1378, l’élection du pape Urbain VI par des cardinaux dissidents et son installation en Avignon déclenchaient le Grand Schisme d’Occident. Ce schisme tire ses racines d’un contexte de lutte entre pouvoirs spirituel et temporel depuis la fin du XIIIè siècle, qui connut son apogée avec l’affrontement entre Philippe le Bel, roi de France, et le pape Boniface VIII, et dont voici une brève histoire.
Le roi décida de lever, en 1295, un impôt exceptionnel sur le clergé: la décime. Le pape, qui tire revenus abondants de France, répond que le clergé ne peut être soumis à aucun impôt sans l’accord du Saint-Siège, et que les évêques seront tenus de le suivre sous peine d’excommunication. En rétorsion, Philippe Le Bel interdit toute exportation de valeurs hors du royaume de France, privant le pape d’une part importante de ses ressources. Les rapports avec Rome se tendent.
En 1302, par la bulle Unam Sanctam, Boniface VIII affirme la supériorité du pouvoir spirituel sur le temporel et donc, du pape sur les rois. C’en est trop pour Philippe le Bel, qui réunit un concile des évêques de France pour condamner le pape, qui alors menace de l’excommunier et de jeter l’interdit sur le royaume de France. Fort du soutien de la population et des ecclésiastiques, le roi l’envoie faire arrêter pour le faire juger par un concile, mais la mort du pontife interrompt le processus. Son successeur, Benoît XI, élu le 22 octobre 1303 dans une atmosphère détestable, annule les mesures vexant le puissant roi de France avant de mourir lui-même, le 7 juillet 1304.
Pendant 11 mois, de pénibles tractations se déroulent entre le parti français et celui du défunt Boniface VIII. On décide finalement de choisir le pape à l’extérieur du Sacré Collège des cardinaux, et l’unanimité se fait sur le nom de Bertrand de Got, prélat diplomate et juriste éminent, resté neutre dans la querelle. Le 5 juin 1305, les cardinaux, réunis en conclave à Pérouse, le portent à la tête de l’Église sous le nom de Clément V, premier pape français depuis Sylvestre II en 999. Il monte sur le trône de Pierre à quarante ans, alors que l’Église traverse une grave crise politique. Le nouveau pape renonce à se rendre à Rome, par crainte des intrigues locales et des risques liés à un conflit, et se fait couronner à Lyon, en terre d’Empire, le 1er novembre.
Clément V fait son possible pour se concilier les bonnes grâces du roi, mais repousse sa demande d’ouvrir un procès posthume contre Boniface VIII. Toujours pas en mesure de s’établir à Rome, et voulant suivre de près le procès des Templiers, il décide en 1309 de s’établir « provisoirement » dans un couvent de dominicains à Avignon, sur des terres d’Empire cédées par le roi de Sicile, comte de Provence. Même provisoire, cet établissement aux frontières du royaume de France traduit l’abaissement de la papauté, depuis l’époque où Innocent III, un siècle plus tôt, prétendait soumettre les rois à son autorité.
Cinq papes d’Avignon successifs, et 80 % des cardinaux qui nomment légats et gouverneurs des provinces ecclésiastiques d’Italie, sont français et généralement proches du roi de France, au détriment des Italiens habitués à recevoir les bénéfices liés à ces charges. Le mécontentement est amplifié par les soubresauts du conflit opposant les Guelfes – partisans de la papauté et suivant le roi de Naples de la maison d’Anjou- au parti gibelin – dont les représentants de la puissante famille des Visconti sont les dirigeants désignés.
L’événement déclencheur de la grande crise papale est la scission du Sacré Collège à la suite de l’élection d’Urbain VI (1378–1389). 70 ans après le départ du souverain pontife pour Avignon, Rome accueille une partie de ses cardinaux dans une ambiance fiévreuse La foule romaine, soucieuse de garder un pape «romain ou au moins italien», déclenche une émeute le 8 avril, jour de l’élection. De ce fait, celle-ci n’est ni tout à fait libre, ni tout à fait valide. L’archevêque de Bari, Barthélémy Prignano reçoit la tiare et prend le nom d’Urbain VI. Si l’élection s’est faite en grande partie sous la pression du peuple romain en armes, les cardinaux ont opté, dans la précipitation, pour un homme peu puissant connu pour sa modération.
À peine élu, Urbain VI se brouille avec une partie des cardinaux restés à Avignon. Il cherche à imposer au Collège une vie conforme à l’idéal évangélique, demandant aux cardinaux de renoncer à leurs pensions et d’investir dans la restauration de l’Église. C’est rapidement deux conceptions – avignonnaise et romaine – de l’Église, du fonctionnement de ses institutions, de sa fiscalité et du rôle de ses princes qui s’opposent. Les cardinaux, en majorité français, habitués aux fastes et intrigues de couloirs grâce auxquelles ils ont pu accéder à leurs charges si rémunératrices, voient d’un très mauvais œil ce pape moralisateur et intransigeant.
Les cardinaux en dissidence, rappelant la non-canonicité de l’élection, le somment d’abdiquer le 2 août. Le 18 septembre, à Rome, Urbain VI crée 29 nouveaux cardinaux dont vingt Italiens. Les cardinaux français font jouer leurs réseaux d’influence et convainquent les conseillers de Charles V, puis le roi lui-même, de la non validité de l’élection d’Urbain VI. Le 20 septembre 1378, lors d’un conclave à Fondi, le Sacré Collège élit l’un des siens, le cardinal Robert de Genève, qui prend le titre de Clément VII (1378–1394). Le schisme est consommé.
L’Occident chrétien se divise alors. Du fait de la guerre de Cent Ans, le partage en deux camps et la reconnaissance de tel ou tel pontife par les princes devient un élément comme un autre du jeu politique. Dans le camp clémentiste, le royaume de Naples et la France sont rejoints par les alliés de Charles V : la Castille, l’Écosse et les duchés de Lorraine, d’Autriche et du Luxembourg. Rejoignent l’obédience romaine, les ennemis du royaume de Naples (l’Italie du Nord, les royaumes angevins de Hongrie et de Pologne) et ceux du royaume de France (l’Angleterre, les Flandres). Papes, antipapes, et même antipapes imaginaires se succèderont jusqu’à l’extinction du schisme, canoniquement en 1415 (abdication du pape romain Grégoire XII), mais ses soubresauts se firent encore entendre un demi-siècle.
638 ans après cette élection controversée, à St-Elivet, il fut aussi beaucoup question de rois, de papes et de batailles dans les trois tables inaugurales.
Table 1, dite « Papale, forcément papale » : à Cthulhu Wars, installé en grand équipage dans la bibliothèque (car à ce jeu, il faut de l’espace), Jacques assomme la concurrence avec 33 PV. Les deux Julien, Mickaël et Franck n’en peuvent mais. La tiare lui va si bien !
Table 2, dite « Tous les chemins y mènent » : Thomas (15 PV) s’adjuge une victoire implacable à Battalia, jeu de deck building évolué aux parfums d’aventure, devant Axel, combattif (11 PV), Nicolas II, ardent découvreur de routes et de cités (9 PV) et votre humble serviteur (7 PV) qui fut pénalisé par l’absence de ses héros sur le champ de bataille aux moments décisifs. Rome, Avignon, ou ailleurs, quand on parle de deck building, Thomas connaît tous les chemins qui mènent à la victoire.
Table 3, dite « Schismique » : La super-paire Michal/Tristan finit par venir à bout de l’équipage Xel/Jeff à Fief, dans une partie où nombre de mariages furent non consommés et donnèrent lieu à des schismes, ce que Franck, le cinquième élément, observa à distance faute de fille à marier.
Alors que la table 3 palabrait, les tables 1 et 2 se décomposèrent. Votre humble serviteur, vaincu par la fatigue, déclina l’offre de rejoindre la table 4 et se replia dans la bibliothèque désertée où il se plonga dans le frisson d’un recueil de nouvelles d’épouvante. Pendant ce temps, se mit en place la Table 4, dite « Sacré Collège » : Le temps d’une partie, une bande de sacrès collégiens revisita 7 wonders. Le chroniqueur quitta les lieux, mû non par une excommunication, mais par l’effet réveillatoire d’une montre à gousset jaillie du recueil susnommé. Mais peut-être parlera-t-on plus en détail de cette table sur le forum….
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