Twilight Struggle ou « comment j’ai appris à cesser de m’inquiéter et à aimer la bombe »

Guerre Froide à Ploumilliau : Thomas versus Jack

Un arrière-goût de « Dr Folamour » flotte sur Twilight Struggle. En effet, à travers près de 50 ans (1945 – début des années 90) les joueurs sont amenés à jongler avec le DEFCON, faire des coups d’états, lancer des opérations visant à ré-aligner les brebis égarées, installer des gouvernements marionnettes, courir la course à l’espace et à son armement, etc. Le tout est régi par un corps de règles plutôt élégantes, pas trop longues (8 pages), le reste fait partie de 103 cartes « événements » qui comportent chacune un événement historique : de la capture des scientifiques nazis jusqu’à la chute du mur de Berlin. Certains sont récurrents et reviennent tout le long de la partie (guerres israélo-arabe, installation d’une Junte, etc…) d’autres arrivent 1 fois et sont écartés du jeu.

J’ai pris soin auparavant de charger mon service d’opérations clandestines d’inculquerer le virus de rhume à mon adversaire, action parfaitement remplie car Thomas est arrivé complètement enrhumé et a failli tourner de l’oeil sur le plateau. Ce qui m’a donné un avantage non négligeable comme le montre le résultat de 2 affrontements : 1 victoire avec bloc soviétique au bout de 5 tours (sur 10) et 1 victoire avec les USA par abandon. Les deux parties ont été assez tendues. Thomas a demarré la 1ere sur les chapeaux de roue et a marqué 12 point de victoire sur les 20 requis dès le 1er tour, notamment en installant des régimes pro-américains en Asie ! La réponse était aussi fulgurante et la juste cause des soviétiques a mis 4 tour pour remonter ces 12 points et marquer 20 autres pour remporter la victoire !

tableau des scores

Au cours de la deuxième partie, Thomas a monté à 19 points avec les russes : à 1 point de la victoire !!! Il a installé Fidel Castro sous le nez de l’Amérique et a amené l’Italie dans le giron du pacte de Varsovie 🙂 Alors le lent travail de sape des américains a commencé pour faire descendre ce marquage à 0 puis prendre un léger avantage sur le tableau des scores… et un avantage non négligeable sur le plan géopolitique. La « Guerre des étoiles » a eu raison de l’ours soviétique qui a abandonné dans un éternuement dantesque.

Le jeu est assez fluide malgré notre mauvaise intérpretation de 2 ou 3 points de règles et de certaines cartes aux effets plutôt flous. Dommage que la voix libre de Thomas s’est éteinte avant la fin de la deuxième partie.

Un nid douillet pour Esmeralda ?

Ce WE, une séance de « Pilliers de la Terre », le jeu tiré du pavé homonyme du maître des livres d’espionnage et qui parle des maçons d’âge d’or de construction des cathédrales 😀

Autour de la table : Jeff, Marvin et Jacques.

Le jeu bénéficie de toute l’expérience des jeux dits « allemands » pour proposer un système fluide, agréable et relativement intuitif.  Il faut optimiser et faire des choix locaux pour avancer mieux que les autres. Un système de cartes-événements est là pour ajouter une goutte de chaos dans un fonctionnement parfaitement huilé. L’interactivité est faible, le jeu est moins bloquant que par exemple Agricola ;  dans le classement « bisounours » (cf article ci-dessous) il s’apparente à la catégorie de « bisounours malin ».

Pas desagréable du tout je referais bien d’autres parties en ayant subi une cuisante defaite pour cette première (Marvin : 1st, Jeff : 2nd).

 

De la classification des jeux sur un plateau OU « quel bisounours êtes-vous ? »

Voici un petit exercice de style pour classer les jeux sur un plateau. C’est très subjectif ! Le terme bisounours remplace ici le terme joueur.

CATEGORIE 1 : les jeux « à l’allemande » : en général dotés d’une mécanique lechée, je les sous-divise en :

  • jeux « bisounours mamour » (RFTG, Roads&Boats, Antiquity, …)   : on ne fait (quasiment) jamais une vacherie à l’autre. Le bisounours cours très très très viiiiiiite pour être le meilleur bisounours de l’univers.
  •  jeux « bisounours malin » (Funkenschlag, Agricola, Piliers de la Terre ) : par une action particulière dirigée par son propre intérêt le bisonours peut faire – souvent involontairement – un croche-patte à un autre bisounours qui cours très très très vite. L’autre bisounours se plante puis se relève et recommence à re-courir très très très vite ou alors il boude dans son coin.
  •  jeux « bisounours farceur » (Richard Coeur de Lion, Tal Der Konige, Imperial, … ) : par une action dirigée expressément contre un autre bisounours, le bisounours entre en conflit direct mais instantané. Il fera en toute logique une autre farce à un autre bisounours un peu plus tard. Les bisounours sont soumis à une tension palpable.
  • jeu « panzer bisounours » (Neuroshima HEX, Vinci, Tigre & Euphrate, …) : la notion du conflit est bien présente, les bisounours se foutent joyeusement sur la gueule à coups des peluches… au début, après il en viennent aux mains (remarque : sur les 3 jeux cités seul le dernier est allemand)

 

CATEGORIE 2 : les jeux de conquêtes/diplomatie

Des jeux où la possession de territoires ou autres biens met en conflit direct les bisounours. Très peu de jeux allemands dans ce registre (Wallenstein et son dérivé : Shogun à ma connaissance). Deux « ancêtres », situés aux deux extrémités du genre sont : Diplomatie et Risk. D’autres jeux anciens mais très estimés sont Civilisation et Dune. Depuis, beaucoup de jeux avec des mecaniques modernes et fluides sont apparues comme Le Trône de Fer, Conquest of the Empire, ou Starcraft. Les bisounours autour du plateau ont des dents longues et usent des subterfuges verbaux pour convaincre d’autres bisounours compétiteurs, néanmoins des alliés potentiels, du bien fondé de leur stratégie. Le bisounours se révèle être un menteur et un manipulateur !

CATEGORIE 3 : les jeux d’affrontements directs

Le coming-out du “panzer bisounours”. Souvent assimilé pour des raisons historiques (et à tort) à des jeux longs et complexes sous le nom de “wargames”. Ce sont des jeux où les bisounours donnent et encaissent les coups. L’ancêtre emblématique en est le Jeu d’échecs. Ce genre peut être divisée en plusieurs sous-catégories de façon plus ou moins pertinente : jeux historiques versus jeux non historiques, jeux avec 200 pages de règles écrits en tout petit en anglais versus jeux avec 2 pages de règles en français avec des exemples illustrées, jeux à l’échelle d’une escouade, d’un théâtre d’opération, d’un conflit global etc… Cependant les frontières sont floues et les classements se chevauchent. Un constat récent est que les éditeurs de wargames louchent de coté des bisounours qui disposent de moins de temps pour déployer des milliers de pions et de lire des livres entières de règles. Ainsi un jeu comme Memoir’44 et ses dérivés : Battlelore, Commands & Colors possèdent des règles de la taille de celles habituellement rencontrées dans des jeux allemands « moyens ». Par ailleurs l’austérité de jeux n’est plus une règle (figurines de la Guerre de l’Anneau ou de Battlelore, des superbes  plateaux etc). Les règles se fluidifient (Conflict of HeroesFriedrich). Les monstres subsistent (World in Flames a été réédité) mais certains deviennent moins « monstrueux » (Europe Engulfed). Bref un genre initialement destiné à des « hard-core bisounours » mais qui ne l’est plus tellement à présent. Leur trait commun : une grande majorité de ces jeux est conçue pour jouer à 2 : tout bisounours désireux d’affronter de face un autre bisounours peut sereinement aborder le genre. Cependant certains sont ouverts à 3 ou 4 bisounours, rarement plus.

CATEGORIE 4 : les autres

On pourrait les classer dans une des 3 catégories précédentes mais du fait de leur hybridicité ils me semble pertinent des les mettre à part. Descent par exemple et un donjon crawler (un Donj’ quoi) et de fait un retour vers les sources de la frontière entre le wargame et le jeu de rôle, avec des mécanismes modernes. Twilight Struggle – jeu exceptionnel qui retrace la guerre froide – n’est ni un jeu de conquête, ni un wargame, ni un jeu à l’allemande – et au même temps tout cela. Il y a aussi des party games : Time’s up, Cash’n Guns) ou d’autres OVNIs comme PitchCar 😉 Il y a du tout pour tout le monde, quelque soit le bisounours qui sommeille en vous.

J’ai volontairement écarté les jeux de figurines (à la Warhammer Battle) ou des cartes à collectionner  (à la Magic) de ce classement.

Qu’est-es qu’elle a ma carotte ?

Soirée du 3 septembre

Un petit compte-rendu d’une soirée à la thématique agricole.
Compte tenu du nombre de participants élevés nous avons pu faire 2 tables d’Agricola mercredi dernier. Jack ayant amené son exemplaire allemand. Après une explication des règles assez bâclée semble-t-il les deux parties ont pu être lancées.
Nombreux furent les prétendants à l’élection du plus rentable agricolateur du comté. Et si certains on laissait entrevoir de belles aptitudes de gestionnaires, d’autres se demandent encore à quelle phase on peut envoyer son armée de sanglier envahir l’exploitation voisine…
Du coté français, trois exploitants de forts beaux calibres s’opposèrent. Après quelques réglages et autres joutes verbales et rulistique sur le choix de l’hémisphère entre « Elodie petite fille des montagnes » et « Tom le bâtisseur » de clôture, la partie tourna à plein régime et Jeff Ingalls malgré un poulailler et un puits dont il est encore fier ne put rivaliser avec les deux autres participants. Finalement c’est en devenant dealer d’alcool de carottes que la jeune fermière put s’imposer de justesse devant le grand Tom dont les débuts laborieux ne semblent avoir été qu’une mise en scène pour tromper ses opposants…
Coté allemand le déroulement a été beaucoup plus chaotique. Jack a bien pris soin de recruter la moitié d’un village à son service, mais il semble que ce n’est pas de cette manière qu’on nourrit une famille nombreuse, son unique sanglier finissant en grave déprime seul dans son étable surchargé de céréales. Marie-Anne a fait croire longtemps qu’elle allait se lancer dans le commerce du bois, malheureusement cette activité n’est pas encore possible dans Agricola. Il semble en fait qu’une pièce supplémentaire pour accueillir un rejeton aurait été plus profitable que 12km de clôtures pour mettre 3 moutons et un bœuf. Son exploitation s’est quand même bien équilibré avant la fin et elle put devancer Laurent qui en bon fermier débutant essaya un peu de tout pour voir le plus rentable, pour une prochaine fois. Je n’insiste pas sur ma prestation : mon expérience associée aux complications liées à la langue teutonne rendant la partie bien déséquilibrée.
Retour d’expérience (c’est à la mode au boulot) :
Je pense que nous aurions du rendre plus initiatique ces premières parties en se limitant à la version familiale « sans cartes ». Ça aurait permis à tous de mieux cibler les objectifs réels du jeu et ses mécanismes de bases qui sont très fluides et très logiques, mais qui demande souvent 3 ou 4 tours pour être rentable : je veux des carottes, je récupère un plant, je laboure un champ, je sème ma carotte et je récolte. Là certains ont eu tendance à se focaliser sur les cartes qui ne sont en fait qu’un petit plus à utiliser par défaut. Je pense qu’a 4+ joueurs il ne faut pas jouer plus de 3-4 cartes si on ne veut pas pénaliser son développement. Mais jouer les 2-3 bonnes cartes peut faire la différence en termes de points à la fin. En revanche, à 3 et a fortiori à 2 joueurs, il est possible de poser beaucoup plus de cartes.
J’aurais du mieux insister sur les règles et m’assurer que tout le monde avait bien tout compris. Et j’aurais peut-être du donner des pistes de développement. Il est possible que certains préfère découvrir par eux-même. Elodie m’a demandé conseil et je lui ai répondu (est-ce que ça a été profitable ?)
Je pense que le jeu allemand sera à ressortir quand tout le monde maîtrisera bien toutes les actions. Et enfin à l’intention de ceux qui auraient pu être déçu par cette première tentative, je pense qu’il faut retenter d’y jouer, en version française, et à la limite sans cartes. Et si possible rapidement pour ne pas garder une mauvaise impression.

Jean-Baptiste (alias « JiBee »)